L’Anklestéis

À ce jour, l’ankléstéïs n’est jamais apparu dans aucune des fables répertoriées dans les bibliothèques de nos mythes et fondations. C’est un animal au corps de reptile et aux ailes de cygne blanc, qui aurait dû s’inviter dans une nouvelle que l’écrivain américain H.P. Lovecraft (1890–1937) n’a jamais publiée — et dont il ne subsiste aucune trace manuscrite.

Certains exégètes du nouvelliste de Providence, Rhode Island, vont jusqu’à conjecturer qu’il ne l’aurait même jamais commencée. Il n’est du reste pas aisé de déterminer si Lovecraft a abandonné son conte faute d’apparition de l’ankléstéïs, ou si c’est parce qu’il ne l’a jamais écrit que l’animal n’a pu se manifester.

Dans une note apocryphe du poète, on trouve cependant une allusion à un lézard ailé « né d’une déesse qui en [aurait] accouché après avoir vomi les vipères géantes qui gardent aujourd’hui une des portes de l’entrée australe de la pyramide subaquatique des Ankléades ».

En déchiffrant d’autres notes, laissées en marge d’une ébauche désormais perdue, certains chercheurs devinent que l’ankléstéïs attend toujours le moment propice pour apparaître dans le rêve de celle ou de celui qui, dans ce que nous nommons inconscient, prépare sa venue. Il serait alors le signe annonciateur du matricide nécessaire à l’accouchement de l’âme dans les douleurs de la solitude.

Quelques chercheurs, ainsi qu’une porteuse de lumière, ont tenté de recueillir des témoignages attestant d’un authentique ankléstéïs rêvé. Aucun, à ce jour, ne s’est révélé concluant.

Il semble donc que, même imaginé, l’ankléstéïs continue de se dérober à toute investigation.